Association Départementale des Gens du Voyage Citoyens de Loire Atlantique
Vivre en habitat mobile, ou pire en caravane, expose à de nombreuses inégalités et discriminations. Ce guide vous permettra de mieux comprendre la complexité de la situation et comment cela impacte les gens du voyage.
Tout habitat qui peut être déplacé ou démonté. Ils peuvent prendre différentes formes, telles que les caravanes, les mobil-homes, les camping-cars, les camions aménagés, les yourtes, les tiny houses (petites maisons sur roues), les chalets démontables, les cabanes préfabriquées ou les tentes de camping spécialement conçues pour une occupation à long terme.
Ces habitations sont souvent équipées de systèmes autonomes pour l’alimentation en eau, l’électricité et l’évacuation des eaux usées. Elles sont conçues pour offrir un certain niveau de confort et de commodité malgré leur taille réduite et leur mobilité. L’objectif principal des habitations mobiles ou légères est de permettre aux résidents de vivre de manière autonome tout en étant en mesure de se déplacer facilement d’un endroit à un autre.
De nos jours, les aires d’accueil ne répondent plus aux besoins actuels des voyageurs. Ces derniers, désireux de se sédentariser, occupent désormais ces aires à l’année, entraînant une saturation et une pénurie de places. Il est impératif de repenser l’accueil des voyageurs pour s’adapter à l’évolution de leur mode de vie, notamment en proposant des solutions plus pérennes.
L’habitat mobile, par sa nature même, suscite des tensions dès qu’il s’installe quelque part. Cette tension découle non seulement de l’habitat en lui-même, mais aussi de la stigmatisation des populations qui y habitent, générant beaucoup d’appréhension et de rejet. Cela pousse certains élus à prendre des arrêtés interdisant toute installation d’habitat mobile sur leur commune et pour cela ils se cachent derrière l’existence d’aires d’accueil.
En 2012, une étude nationale de l’ANGVC a révélé que la plupart des documents d’urbanisme locaux interdisent l’installation de résidences mobiles dans des habitations permanentes. Pourtant, légalement, les actions des collectivités territoriales en urbanisme doivent promouvoir la diversité des fonctions urbaines et rurales ainsi que la mixité sociale dans l’habitat. Cela implique de prévoir des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour répondre aux besoins actuels et futurs de tous les modes d’habitation, sans discrimination. Par conséquent, une commune ou une intercommunalité ne peut pas interdire l’installation de caravanes sur l’ensemble de son territoire, bien que de nombreuses communes le fassent.
L’inadéquation et le manque de places en aires d’accueil, l’insuffisance d’offres locatives adaptées ainsi que le désir d’avoir un habitat à soi qui soit pérenne, poussent beaucoup de voyageurs à acheter leur propre terrain.
Malheureusement, que ce soit par faute de moyen ou par méconnaissance, ils achètent souvent celui-ci en zone agricole ou naturelle (et parfois inondable). Or, en l’état, il n’est pas possible d’y intégrer de l’habitat mobile. Les voyageurs ont du mal à comprendre le paradoxe leur interdisant de s’installer sur leur propre terrain, alors que certaines aires d’accueil sont situées sur des zones agricoles requalifiées.
Deux écueils lors de l’achat de ces terrains :
Il est nécessaire d’impliquer la Chambre des notaires pour fournir des conseils appropriés aux acheteurs de terrains, ainsi que la Chambre d’Agriculture pour clarifier l’affectation des friches agricoles. Actuellement, il y a un manque de réaction de la part des autorités concernées, ce qui contribue à la difficulté de gérer ces terrains pour les voyageurs et les élus.
A y regarder de près, il est peu de sujets comme l’habitat mobile qui n’ait été traité de façon si « désordonnée » dans les politiques publiques. Sans doute cela tient à sa représentation, ou celle de ses utilisateurs, qui a toujours été accolée – encore aujourd’hui – à l’itinérance, au non fixe. Ce qui prête à confusion et exclut de facto la compréhension d’un mode d’habitat spécifique pouvant s’intégrer durablement à un territoire sans que pour autant ses utilisateurs le déplacent selon leurs besoins.
Certains voient dans cette exclusion la traduction d’une politique d’acculturation d’une partie de la population, identifiée par la loi du 5 juillet 2000, afin de la contraindre à se sédentariser, donc à abandonner à terme un élément essentiel de sa culture : l’habitat mobile. D’autres la ressentent comme une forme de rejet systématique et discriminatoire d’une partie de la population, puisqu’ils se considèrent assignés dans des équipements publics dédiés, qui ne constituent pas un habitat, alors que leurs besoins spécifiques en ce domaine sont ignorés.
Sans répondre directement, la règlementation de l’urbanisme fait figure de feuille de route reflétant le projet politique du développement de la collectivité. Cependant le législateur a souhaité que soient respectés certains équilibres fondamentaux pour l’encadrer. Ce sont eux qui constituent l’enjeu essentiel* d’une politique publique d’habitat et du logement, où la règle d’urbanisme est le préalable obligé à toute programmation. On ne pourrait réaliser des logements si on n’a pas prévu où, combien, quoi et comment…
Jusqu’à la loi ALUR de mars 2014, seuls les besoins d’habitat devaient être pris en considération sans discrimination par le document d’urbanisme d’une collectivité, une formulation qui renforçait l’assimilation de l’habitat au logement. En élargissant le principe énoncé à l’ensemble des modes d’habitat, le législateur réparait alors une injustice où l’habitat mobile et léger devaient trouver leur place. Cependant, cette « place » est toujours l’objet de tensions lors de l’élaboration des nouveaux documents d’urbanisme…
* : CAA Nantes 140512, commune de Boissy les Perche (28) – « les auteurs du plan local d’urbanisme ont méconnu les dispositions de l’article L. 121-1 précité du code de l’urbanisme (devenu l’art. L101-2, NDA) en n’assurant pas le respect du principe de l’équilibre entre le développement urbain et la gestion économe des espaces naturels et ruraux… »
L’accès à un logement décent est un droit fondamental pour tous les citoyens. Pourtant, les personnes vivant en habitat mobile, comme les caravanes, se heurtent à de nombreux obstacles et discriminations.
Actuellement, en France, la caravane n’est pas officiellement considérée comme un logement, alors qu’il s’agît de l’habitat pérenne des gens du voyage.
De multiples organisations de voyageurs ont signalé les difficultés que cela pose pour eux, notamment à la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, et appellent à une évolution de la législation. Cette non-reconnaissance entraîne diverses discriminations dans plusieurs domaines tels que la domiciliation, la fiscalité, l’accès aux aides au logement, au crédit immobilier, aux assurances habitation, ainsi qu’aux droits de garde parentaux. Il est important de souligner que la reconnaissance de la caravane comme logement est une recommandation majeure de la Rapporteure spéciale de l’ONU pour le droit à un logement convenable, dans son rapport du 24 août 2020 sur le droit au logement en France.
La caravane ne donne pas droit à l’allocation logement et perd rapidement de la valeur au fil des ans, contrairement à celle d’une maison. Pour l’achat d’une caravane, il n’y a pas de prêt immobilier disponible, ce qui oblige les familles à contracter des microcrédits ou des crédits à la consommation à des taux d’intérêt très élevés, pouvant atteindre jusqu’à 17%.
Cela signifie que les familles se retrouvent avec d’importantes dettes, car elles doivent constamment rembourser ces crédits. De plus, elles doivent revendre leur caravane après un certain temps, subissant ainsi une perte considérable de valeur, car les caravanes s’usent beaucoup plus rapidement que les maisons.
Il est crucial de souligner qu’il n’existe aucune aide financière pour l’achat d’une caravane, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. Aucun crédit logement ni allocation logement n’est disponible pour les aider dans cette démarche.
Il est essentiel de reconnaître l’habitat mobile comme un véritable logement à part entière pour garantir l’égalité des droits et l’inclusion sociale de tous les citoyens.
On se bat pour que l’habitat mobile rentre dans le dispositif d’urbanisme de la politique du logement pour faire lever les interdictions à son encontre, pour le droit de vivre sur son terrain avec son habitat mobile. Et tant qu’il n’est pas reconnu comme logement, on ne peut pas y accéder.
C’est la raison pour laquelle un député est nécessaire pour porter un projet de loi en ce sens, car cette question revêt une dimension sociale importante : de nombreux travailleurs et familles pauvres, en plus des gens du voyage, vivent en caravanes.
Si la caravane n’est pas reconnue comme logement, elle est toujours considérée comme du mal logement. D’ailleurs, il existe un dispositif pour la lutte contre le sans-abrisme, dont les voyageurs ne semblent pas faire partie car il n’y a pas de propositions concrètes permettant l’installation de leurs habitations mobiles.
L’absence de foncier dédié pour l’habitat mobile est un problème majeur. Cette situation est accentuée par les préjugés et les réticences de la population envers l’habitat mobile. Les autorités semblent souvent se décharger de leurs responsabilités, ce qui laisse les situations stagner et se détériorer. La loi ALUR de 2014 permet de modifier une terre agricole en STECAL, mais de nombreux élus refusent d’en réaliser, ce qui souligne la nécessité de revoir en profondeur ce dispositif.
La volonté politique est indispensable pour faire avancer ce dossier. Il est nécessaire de flécher du foncier pour accueillir les citoyens qui souhaitent vivre dans l’habitat mobile, et de penser les projets urbains en intégrant cette option.
On observe que les expulsions des gens du voyage font l’objet d’un traitement plus expéditif que celles des locataires « traditionnels ». Tandis que l’expulsion d’un locataire peut prendre de deux à cinq ans, celle d’un voyageur prend entre deux jours à trois semaines, sans que la trêve hivernale ne s’applique. Cette disparité de traitement soulève des interrogations quant à l’équité du processus.
Les familles vivant en caravane sont perçues par la loi comme à l’abri, car elles ont un toit. Cependant, lorsque ces caravanes sont installées sur un terrain public ou privé, elles ne sont pas reconnues comme des habitations, ce qui déclenche des procédures d’expulsion, en toute saison.
L’ADGVC44 a l’exemple d’une famille occupant une friche industrielle qui va être expulsée en plein hiver pour la quatrième fois, alors qu’il n’y a pas de place dans les aires d’accueil. Cela se produit même lorsque des personnes âgées présentant de graves problèmes de santé sont impliquées.
Si la trêve hivernale ne s’applique pas aux voyageurs, elle peut l’être pour les résidents de bidonvilles. Ce dysfonctionnement crée de la colère et de l’incompréhension, ce qui engendre une division entre les communautés – Roms & gens du voyage – et un sentiment d’abandon généralisé. Il faut une égalité de traitement pour tous.
L’absence de domiciliation est un vrai facteur d’exclusion, les voyageurs qui vivent dans une aire d’accueil sont domiciliés à l’adresse d’une association agréée par l’État, comme par exemple le Relais ou le SRI en Loire Atlantique, ce qui les catalogue et peut être discriminatoire lors de démarches administratives ou professionnelles.
Être domicilié dans ces structures colle immédiatement l’étiquette « gens du voyage » et ferme toutes les portes parce que beaucoup identifie l’adresse de ces structures de domiciliation.
Légalement, les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) doivent gérer la domiciliation sur leur territoire. Dans les faits, beaucoup de CCAS refusent d’accorder la domiciliation aux voyageurs de leur commune sous divers prétextes : c’est un choix politique.
L’absence de domiciliation par les mairies rend le voyageur invisible, il n’appartient à aucune commune, il n’est pas reconnu comme faisant partie de la société.
Les voyageurs habitent dans une commune, ils ont une histoire avec elle, un attachement fort et ceux qui partent faire des saisons, reviennent toujours au même endroit parce que c’est chez eux. Ils y ont leurs repères : ils y sont nés, souvent ils ont leur défunts qui y sont inhumés, leurs enfants y sont scolarisés et ils y ont des activités économiques, soit dans la commune soit autour de la commune.
Ils désirent simplement y vivre de manière pérenne, avec leur habitat mobile, en toute sécurité et sérénité…
La caravane n’est pas reconnue comme un logement, les compagnies d’assurance refusent de les assurer comme des logements permanents, les considérant uniquement comme des véhicules tractés. Cela signifie que lorsqu’une caravane en stationnement brûle, elle n’est pas couverte par l’assurance et les familles perdent tout.
Il existe une assurance pour les caravanes de loisirs qui n’est pas du tout adaptée à l’usage permanent des caravanes. Il est fréquent que les compagnies refusent de dédommager les voyageurs qui y ont souscrit.
Lorsqu’on démarre dans la vie et qu’on veut acheter une caravane, on est souvent obligé de contracter un microcrédit ou un crédit social à la consommation dont le taux d’intérêt peut monter à 17%, voir plus avec l’inflation. Les jeunes couples et les jeunes familles se retrouvent alors avec des remboursements bien au-delà de leurs revenus.
De plus, on ne peut pas contracter de prêt immobilier pour l’achat d’un terrain non constructible. Les familles investissent par conséquent toutes leurs économies dans l’achat de ces terrains, notamment agricoles. Un investissement à perte si ils ne peuvent pas installer leur caravane dessus.
Lorsque les familles de voyageurs sont en errance et qu’elles se font expulser d’un peu partout, c’est très dur de maintenir le lien avec l’école. Leurs enfants ont alors une scolarité discontinue, ils ratent des jours d’école à chaque nouvelle procédure d’expulsion. La famille perd aussi des jours de travail quand elle passe son temps à chercher une place. C’est une des raisons pour lesquelles beaucoup de ces enfants sortent du système scolaire ou sont inscrit à l’école à distance.
Il est nécessaire de pérenniser la scolarité des gens du voyage pour lutter contre leur exclusion.
Les conditions d’accueil, de vie et de travail des voyageurs engendre des risques plus grands pour leur santé. Selon Santé Publique France, l’espérance de vie des voyageurs est de 15 ans inférieure à la moyenne de la population.
Il y a un lien évident entre le manque de solutions d’habitats pérennes pour les voyageurs et leur fragilisation. Cela ne leur permet pas de prendre soin de leur santé : moins de consultations médicales, moins de vaccinations et moins de dépistages.
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