L'urbanisme, un enjeu central

La loi n’oblige pas les communes à accepter les résidences mobiles

Il y a une obligation de principe d’accepter tous les modes d’habitat, mais pas d’obligation de résultat. Sans l’obligation de mise en œuvre, c’est le règne de l’interdiction et de l’immobilisme. Les communes ne sont même pas obligées de justifier le motif de leurs interdictions.
 
Sans cette obligation d’accepter tous les modes d’habitats sur leur territoire, rien ne bougera.

Loi Besson : les aires d’accueil, un alibi pour masquer l’inaction des communes

Enquête ANGVC 2014 : +95% des communes interrogées reconnaissaient une interdiction des résidences mobiles sur leur territoire.
Étude FNASAT Gens du voyage 2015 : le mal logement des habitants d’habitats mobiles concernait 26000 personnes.

Les communes se cachent derrière la loi Besson et l’existence d’aires d’accueil pour se soustraire à leurs obligations envers les gens du voyage. Cependant, ces aires d’accueil sont souvent saturées et ne peuvent répondre aux besoins des gens de passage, qui voyagent ou qui ont une activité économique itinérante. Face à cette situation, les communes arguent de leur « devoir accompli » – des aires d’accueil existent, même si elles sont pleines – et refusent d’envisager d’autres solutions.

Or, il est important de rappeler que ces aires d’accueil étaient initialement prévues pour les gens de passage, et non pour les populations sédentarisées. En réalité, les habitants des aires d’accueil contribuent à la vie des communes en y résidant et en y participant activement.

Le « caractère obligatoire » de la loi Besson se résume donc trop souvent à la simple construction d’aires d’accueil, sans réelle considération pour les besoins des populations concernées. De plus, les diagnostics réalisés sur les stationnements illicites et les demandes d’intégration des habitats mobiles ne sont suivis d’aucune proposition concrète, faute de volonté politique.

L’application de la loi Besson est actuellement insuffisante et nécessite une véritable prise en compte des besoins des gens du voyage.

L’habitat mobile : un sujet malmené par les politiques publiques

L’habitat mobile est un sujet souvent négligé et mal compris par les politiques publiques. On l’associe à tort à l’itinérance et au nomadisme, ce qui exclut la possibilité de le considérer comme un mode d’habitat durable et intégré à un territoire.

Certains y voient une volonté de sédentariser les populations nomades et de les contraindre à abandonner leur culture. D’autres le ressentent comme une discrimination, car ils se retrouvent cantonnés à des équipements publics inadaptés à leurs besoins spécifiques.

La réglementation de l’urbanisme, censée refléter le projet politique d’une collectivité, ne prend toujours pas en compte les besoins des habitants d’habitats mobiles. La loi ALUR de 2014 a pourtant élargi la notion d’habitat pour y inclure l’habitat mobile et léger, mais sa place dans les politiques publiques reste incertaine et est toujours l’objet de tensions lors de l’élaboration des nouveaux documents d’urbanisme.

Le STECAL : une solution trop peu mise en place

Actuellement, la législation autorise les STECAL – Secteurs de Taille et de Capacité d’Accueil Limitées, une règle d’urbanisme permettant de modifier le Plan Local d’Urbanisme (PLU) ou le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) pour installer de l’habitat mobile sur une partie de zone agricole. Par exemple, sur 50m², 20m² peuvent être dédiés à l’habitat mobile ou à un abri, avec la possibilité de se connecter à l’eau, à l’électricité et d’avoir une fosse septique. Les STECAL ne sont pas une obligation mais offrent une option.

Cependant, la création de STECAL soulève des questions environnementales liées à l’activité économique potentiellement polluante de certains voyageurs, comme la ferraille par exemple. Ce qui crée des malentendus avec les élus et le voisinage, ce qui complique le vivre ensemble.

La loi actuelle exige une modification du PLU ou du PLUI pour intégrer l’habitat mobile, mais l’application des STECAL est limitée car beaucoup refusent de les inclure dans leurs règles d’urbanisme, considérant que c’est un mauvais usage des terres agricoles. Sur celles-ci, aucun habitat mobile ou léger n’est autorisé.

Les STECAL restent une possibilité et non une obligation, soulignant la complexité des politiques d’accompagnement en matière d’habitat pour les gens du voyage. Ces politiques sont régies par le schéma départemental qui a un caractère incitatif mais pas obligatoire. Les maires sont, en principe, obligés de créer des terrains familiaux à caractère locatif au même titre que les aires d’accueil imposées par la loi Besson sous peine d’y être contraints par l’Etat. En pratique, les maires ont rarement des amendes concernant le non-respect de leurs obligations en matière de structures d’accueil, ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils ne respectent pas leur quota de logements sociaux… Les voyageurs, eux, sont systématiquement sanctionnés quand ils sont en stationnement illicite par manque de places sur les aires d’accueil…

Faire des terrains familiaux sur les friches industrielles : une proposition de l’ADGVC44 pour les maires et les gens du voyage

Nous avons plein de friches industrielles de commerce ou d’industrie qui ont déposé le bilan et ne servent à rien. Transformer ces friches abandonnées en terrains familiaux offrirait de nombreux avantages pour les maires comme pour les voyageurs.

Cette approche présenterait l’avantage de résoudre le problème du manque de places dans les aires d’accueil tout en évitant les conflits liés aux installations sauvages sur des terrains publics ou privés. Il s’agirait d’une politique plus inclusive et respectueuse de tous.

Cette proposition présente également l’avantage de redonner une utilité à ces friches laissées à l’abandon. Plutôt que de les laisser se dégrader sans usage, leur réaménagement en terrains familiaux constituerait une solution intelligente de réhabilitation et de redynamisation locale. De plus, ces anciens sites industriels offrent déjà des infrastructures (hangars, etc.) qui pourraient être aménagées pour accueillir de l’habitat mobile.

Il faudrait recenser les friches industrielles de la métropole et que les communes et associations se mettent à travailler avec la Chambre de Commerce et d’Industrie pour trouver des solutions et redonner vie à ces lieux.

C’est une proposition à laquelle nous croyons et que nous défendons.

Habitat mobile & préjugés

Un voisinage qui dérange

L’installation d’habitats mobiles, qu’il s’agisse d’aires d’accueil ou de terrains familiaux, soulève souvent des levées de boucliers chez les riverains par peur de la dévalorisation de leurs maisons, des nuisances sonores et de ne plus se sentir en sécurité. Le Maire de la Baule a même parlé de la « pollution visuelle ».

Paradoxalement, les gens du voyage décrivent souvent leurs voisins comme étant très gentils mais une fois en mairie, on découvre des pétitions signées par tout le voisinage pour les faire partir. La peur des « voleurs » et des « profiteurs » resurgit, alimentant des fantasmes injustifiés.

Cette peur irraisonnée du voisinage décourage certains élus qui n’osent pas chercher des solutions pour intégrer l’habitat mobile, préférant le rejeter et le marginaliser.

Vivre en caravane : différence de traitements & discriminations

On observe vraiment une disparité de traitement et de discrimination envers ceux qui résident dans des habitats mobiles. Ce n’est pas tant l’habitat en lui-même qui pose problème, mais surtout ses habitants. En effet, vivre dans une tiny house dans certains quartiers urbains ou ruraux est plutôt bien accepté, contrairement aux caravanes.

Ces différences de traitement génèrent de la violence, comme c’est le cas à Rezé, où la Mairie a décidé d’installer un terrain d’insertion avec des mobil-homes pour des familles Roms près d’un cimetière, tandis qu’il y avait de l’autre côté de celui-ci une aire d’accueil pour les gens du voyage. Cela a créé beaucoup de tensions entre les deux communautés.

Déjà, est-ce que c’est là qu’on doit envisager de mettre des gens du voyage et des Roms, derrière un mur de cimetière ? Les familles voudraient avoir un autre univers qu’un cimetière. C’est discriminant en soi. Ensuite, les familles des voyageurs sont en colère car elles se demandent d’une part pourquoi on autorise aux Roms l’accès aux mobil-homes alors qu’il est interdit d’en avoir sur une aire d’accueil, et d’autres part, elles avaient peur que les tombes de leurs proches soient dégradées.

Les gens du voyage et les Roms ont du mal à cohabiter parce qu’ils sont sur les mêmes problématiques de logement, et que les voyageurs attendent toujours des terrains familiaux pour vivre dans de meilleures conditions. Ils ont le sentiment d’être traités de manière inégalitaire, qu’on prend mieux en compte les attentes des Roms que leurs demandes, pourtant beaucoup plus anciennes. Cela crée beaucoup de frustration.

On est en train de les opposer dans les dispositifs d’urbanisme. On oppose les populations et on organise la violence. Cette situation est néfaste pour tout le monde et ne permet pas de trouver des solutions durables.

A-t-on encore le droit de vivre hors des cases ?

On devrait tous être libre de choisir où et dans quoi nous voulons habiter

Malheureusement, aujourd’hui, cette liberté est presque inexistante. Nous sommes tous contraints par des règles et des lois. Que l’on soit nomade ou sédentaire, nous n’avons pas vraiment le choix.

Certains maires disent : « Je ne peux pas autoriser aux voyageurs ce que je n’autoriserais pas à ma propre population. » Quand il s’agit de construire des logements sociaux, ces mêmes maires les proposent à leur population locale. Pourquoi ne pas offrir d’autres options aux familles qui ont un besoin de logement différent, qui intègre l’habitat mobile ?

Il y a des municipalités qui ne respectent pas leurs obligations en termes d’aires d’accueil pour les gens du voyage. Ces aires ne sont pas considérées comme des logements sociaux, ce sont des installations invisibles. Il suffit de regarder où elles sont situées. Demandez à quelqu’un s’il sait où se trouve l’aire d’accueil dans sa commune, et vous verrez que la plupart des gens ne le savent pas ou alors répondent : « Près de la déchetterie ? »

Concrètement, où peut-on vivre en caravane ?

En réalité, il est de plus en plus difficile de trouver des endroits où vivre en caravane. Le foncier disponible se réduit à cause de nombreux projets urbains et dans les nouveaux projets immobiliers, il n’y a généralement pas de place prévue pour les personnes vivant en habitat mobile.

C’est de plus en plus difficile de trouver un lieu où stationner sa caravane et cela sans tension. C’est quasiment impossible. Dès que tu poses ta caravane, même pour quelques heures, tu as des problèmes.