durant la deuxième guerre mondiale en Loire Atlantique
567 nomades français ont été interné au camp de la Forge près de Nantes de 1940 à 1942.
Le camp de la Forge : un camp d’internement pour « nomades » ouvert sur ordre allemand, supervisé par les autorités françaises
La défaite de l’armée française lors de la campagne de France conduit à l’armistice avec l’Allemagne le 22 juin 1940. Le territoire est divisé en deux zones : la zone occupée par l’Allemagne à l’Ouest et au Nord, et la zone libre au Sud, sous l’autorité des dirigeants français. Le 10 juillet, en zone libre, le Maréchal Pétain obtient les pleins pouvoirs et se proclame chef de l’État français le lendemain, mettant ainsi fin à la Troisième République. Cela marque le début du régime de Vichy (1940-1944), une dictature qui décide de collaborer avec l’Allemagne nazie dès octobre 1940.
Les autorités allemandes occupantes demandent aux autorités françaises d’interner les « bohémiens ». Pour ce faire, les autorités françaises se basent la loi du 16 juillet 1912 qui les autorise à surveiller les populations itinérantes, principalement les nomades. Ceux-ci doivent présenter leur carnet à chaque arrivée et à chaque départ d’une commune, soit au commissariat, soit à la brigade de gendarmerie, soit à la mairie. Dès 1939, ils sont assignés à résidence, car perçus comme potentiellement dangereux par les autorités. En octobre 1940, cette loi permet d’identifier, de rassembler puis d’interner les « bohémiens ».
Le 17 octobre 1940, les autorités allemandes ordonnent le rassemblement et l’internement de tous les nomades présents en Loire-Inférieure. Le préfet est chargé de cette tâche : les nomades sont astreints à résidence et recensés, il prépare l’organisation du camp d’internement. Le camp de la Forge à Moisdon-la-Rivière ouvre ses portes le 11 novembre. Il est sous l’autorité du sous-préfet de Châteaubriant et placé sous la garde de la gendarmerie française.
Six enfants en bas âge mourront dans ce camp insalubre
A son ouverture, le camp d’internement de La Forge, prévu pour accueillir 300 nomades, n’a pas réellement été aménagé. Seule une clôture grillagée entourant totalement le camp a été installée. Les bâtiments de cette ancienne usine sont pourtant en très mauvais état : quasiment aucune fenêtre, aucun système d’accès à l’eau potable, aucune système de douche, des WC en nombre insuffisant, aucun système de chauffage, etc… Dès l’ouverture, des risques d’épidémies sont à craindre du fait de la concentration de tant de personnes dans ce camp si mal aménagé. Le ravitaillement alimentaire pose également problème. Au 22 février 1941, 315 personnes sont internées dans ce camp insalubre.
En raison de ces conditions sanitaires déplorables, 6 jeunes enfants âgés de dix-sept jours à deux ans et demi perdent la vie, entre le 10 janvier et le 26 février 1941.
L’internement à Choisel et le retour à La Forge
Dans le but de remédier aux problèmes d’insalubrité au camp de La Forge, les autorités françaises, en accord avec les autorités allemandes, transfèrent les 345 internés nomades du camp de La Forge à Choisel (Châteaubriant). Ce transfert a lieu entre le 27 février et le 2 mars 1941.
De nouvelles catégories d’internés se joignent rapidement aux nomades : le camp de Choisel est divisé en trois îlots pour faciliter la surveillance : l’îlot « nomade », l’îlot « indésirable » et l’îlot « politique ». Cette situation crée de nouveaux problèmes, plus préoccupants aux yeux des responsables du camp que ceux rencontrés au camp de La Forge. Le nombre d’internés augmente rapidement, rendant la surveillance du camp de plus en plus difficile.
Le 19 juin 1941, quatre internés communistes de l’îlot « politique » parviennent à s’évader, suivis d’un cinquième le 31 juin. Il devient évident que le personnel chargé de la surveillance du camp est dépassé par l’arrivée massive d’internés communistes. Les nomades deviennent alors les victimes collatérales de cette situation : début juillet, les autorités françaises décident de les renvoyer au camp de La Forge. Quelques aménagements sont effectués à La Forge, notamment l’installation de six baraques pouvant accueillir chacune une soixantaine d’internés.
Bien trop occupées à surveiller les internés politiques de Choisel et à organiser la défense du camp en vue d’une attaque éventuelle, les autorités françaises ne s’intéressent que de manière superficielle au camp de La Forge. Pourtant, les problèmes existent. En plein hiver, la majorité des internés n’a plus que des guenilles pour vêtements. Les enfants se baladent nu-pieds, sous la pluie et dans le froid. La gale se propage. Tous les internés sont porteurs de poux. Deux cas de tuberculose sont diagnostiqués.
La libération pour tous : 2 ans après le reste de la France…
Le 13 mai 1942, le camp de La Forge est fermé, les 257 nomades sont transférés vers le camp de Mulsanne, dans la Sarthe, puis le 5 août, à Montreuil – Bellay (Maine-et-Loire). Les conditions de vie y étaient tout aussi difficiles puisque, dès juillet 1944, le camp est constamment bombardé par les avions alliés.
Certains de ces camps ont été libérés en 1946, soit 2 ans après la libération de la France.
Sur les sites de La Forge et de Choisel, jusqu’au milieu des années 2000, rien ne faisait mention de cet internement.
L’association a travaillé d’arrache pied pour faire reconnaître cette page de l’histoire et la porter à la connaissance du plus grand nombre. Nous nous sommes battus pour faire poser une stèle commémorative sur le lieu d’internement, aujourd’hui dédié à recevoir des événements festifs…
Une stèle pour honorer le souvenir des internés
La première commémoration organisée par l’association eu lieu le 13 avril 2008 avec des associations de communistes et républicains espagnols qui avaient aussi été internés avec les nomades dans ce camp, pour mettre en lumière cette histoire méconnue voire oubliée de tous.
Si je suis aujourd’hui avec vous c’est avant tout pour me recueillir et me souvenir avec émotion de ceux qui ont souffert gravement, qu’il soit tziganes, sédentaires, républicains espagnols ou fusillés de Choisel. (…) Je voudrais adresser un message à ceux qui nous dirigent. Si nous voulons croire que la barbarie est derrière nous, alors méfions nous de ne pas lui refaire son lit. Certains ont peur aujourd’hui encore. (…) L’abomination de Moisdon la Riviere, comme celle des autres camps, fait partie des pages indélébiles de notre histoire. Jamais nous n’oublierons !
A nos jeunes, je demande de perpétuer ce souvenir respectueux et de le transmettre un jour à leurs enfants. Plus encore, je leurs demande de contribuer à ce que cette histoire soit intégrée à part entière dans l’éducation de tous les enfants pour que l’ignorance ne scelle le socle de la discrimination.
— Alice JANUEL, ancienne présidente de l’ANGVC (l’Association Nationale des Gens du Voyages Citoyens)
La stèle a été posée plus de 10 années plus tard, le 28/04/2019 sur le site du camp de la Forge lors de la journée de l’Internement et de la Déportation (aujourd’hui Jour du Souvenir). L’inauguration a réuni les familles d’internés et les pouvoirs publics : le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le Maire de Moisdon-la-Rivière André Lemaître et le Sous-Préfet de Châteaubriant Mohamed Saadallah.
L’histoire oubliée des 6000 nomades internés en France
En France, plus de 6 000 personnes ont été internées car « nomades ». Ils étaient considérés comme « asociaux » et « indésirables » par les autorités françaises, et ont été persécutés en raison de leur mode de vie. Environ 3 000 nomades ont été déportés vers des camps de concentration nazis, où beaucoup ont été assassinés. Après la guerre, les nomades ont continué à faire l’objet de discriminations et de persécutions. La plupart n’ont été libérées qu’en 1945 – 46, soit, soit deux ans après la libération du territoire.
Pourtant, bien qu’internés de 1940 à 1946, les nomades ont, pendant longtemps, été oubliés de la mémoire collective. Les Français ont gardé en souvenir les internés politiques, puis les Juifs se sont rappelés à leur mémoire. Mais les nomades sont tombés dans l’oubli.
Comme nous l’apprenait Emmanuel FILHOL* à la fin des années 1990, la moitié des 22 communes questionnées ne connaissaient pas l’existence d’un camp pour nomades sur leur territoire. De plus, les communes qui n’avaient pas oublié ne souhaitaient pas forcément rendre hommage à ces nomades internés. Quinze ne souhaitaient pas en savoir plus, car cela ne les intéressait pas. Les autorités françaises ont reconnu la persécution des nomades en 2016, lorsque le président François Hollande a présenté des excuses officielles au nom de l’État français.
* La mémoire et l’oubli. L’internement des Tsiganes en France, 1940 – 1946, Paris, 2004, p. 43 – 58 et p. 78 – 84.
F. Garcia Lorca
Rien n’est plus vivant qu’un souvenir
Ressources pédagogiques
Crées par l’association
Exposition itinérante
Vous êtes intéressé.e par cette expo et vous voulez la faire vivre ?
Création d’une exposition de mémoire et de sensibilisation à l’internement des nomades durant la deuxième guerre mondiale
Exposition complète sur l’histoire de l’internement des nomades de Moisdon-la-Rivière. Les 16 panneaux ont été créés par les élèves de l’école Saint Felix Lasalle, Valérie leur professeur d’Arts plastiques et de jeunes voyageurs.
Mémoire
sur les camps de Choisel et de la Forge d’Emilie Jouand
Son travail de recherche a permis de financer la stèle commémorative, nous lui en sommes éternellement reconnaissants. Cet ouvrage a reçu le prix Marcel Paul, remis par le Ministère de la Culture, Frédéric Mitterand. Il a bénéficié de l’aide de la réserve parlementaire des députés Monique Rabin et Dominique Raimbourg.
Edité par L’ADGVC44 – disponible à la vente à l’Association
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