Association Départementale des Gens du Voyage Citoyens de Loire Atlantique
Le terme « gens du voyage » ne désigne pas une population en particulier, mais plutôt un statut administratif. Depuis 1972, il remplace le terme « nomade » et est attribué aux individus dont l’activité économique est intrinsèquement liée à la mobilité et à l’itinérance. Cette classification englobe une diversité importante d’origines, de cultures, de traditions et de situations professionnelles.
L’histoire des Gens du voyage est étroitement liée à celle des peuples européens. Bien que souvent perçus comme des étrangers, la plupart sont établis en France depuis longtemps et sont citoyens français. Originaires principalement du nord-ouest de l’Inde qu’ils quittent au Xe siècle, ils ont voyagé à travers différentes régions, absorbant les cultures rencontrées. Leur migration à travers l’Europe, depuis le Moyen Âge, les a conduits dans divers pays. Ils se sont imprégnés de ces cultures et sont devenus artisans, artistes et commerçants.
Beaucoup font l’amalgame et entretiennent la confusion entre Gens du voyage et Roms. Les Gens du voyage sont français depuis des générations, les Roms, sédentaires à l’origine, viennent pour la plupart d’Europe centrale et des Balkans et sont arrivés récemment en France et en Loire Atlantique, il y a plus d’une vingtaine d’années.
Leur statut ne se base pas uniquement sur la mobilité, mais aussi sur le choix de l’habitat mobile : la caravane. Aujourd’hui, si 1/3 d’entre eux sont toujours itinérants, 1/3 se sont sédentarisés et 1/3 ont un mode de vie semi-nomade.
Si la mobilité est une composante essentielle de l’identité des Gens du Voyage, elle ne signifie pas pour autant errance ou absence d’attaches. Au contraire, chaque famille se rattache à un territoire précis et ce depuis longtemps, elle y a son histoire, ses liens familiaux et participe à la vie locale. Cette appartenance territoriale est fondamentale pour la communauté et constitue un élément central de sa cohésion.
La communauté des gens du voyage rassemble une diversité de cultures et de traditions pour laquelle la notion de famille et de groupe est très importante. Vivre en communauté permet d’être plus fort pour se défendre et se protéger.
Un voyageur qui s’est sédentarisé, qui vit en maison, qui n’a plus de caravane, restera intrinsèquement un voyageur. Beaucoup de ces sédentarisés, même s’ils sont très bien intégrés socialement, ne disent pas à leur entourage qu’ils sont issus de cette communauté pour ne pas être stigmatisés. C’est souvent lors d’un ennui de santé ou d’un décès que leur entourage le découvre.
La notion de voyage et la vision romantique que l’on s’en fait est très subjective. Le voyage répond à de multiples besoins, à la fois sociaux et économiques. Il facilite le maintien des liens familiaux et amicaux, la participation à des rassemblements religieux ou à des pèlerinages. D’autre part, il revêt une dimension économique cruciale en offrant des opportunités de travail. Pour les Gens du Voyage, le travail est souvent indissociable de leur mode de vie nomade. Encore aujourd’hui, nombreux sont ceux qui parcourent les routes pour des raisons professionnelles : qu’il s’agisse de marchés, de vendanges, de saisons agricoles, ou encore d’activités artistiques, foraines ou circassiennes.
D’autres facteurs influencent cette mobilité :
La sédentarisation ne veut pas dire pour autant l’abandon de l’habitat mobile qui symbolise leur histoire et leur attachement à la tradition. Beaucoup de voyageurs ont toujours vécu en caravane et n’envisagent pas de vivre dans un habitat qui ne comporte pas de place pour celle-ci.
Le carnet anthropométrique était un document officiel obligatoire pour tous les nomades de plus de 13 ans en France. Introduit en 1912 par la loi d’organisation du commerce itinérant, il visait à contrôler et à surveiller les populations nomades en organisant un fichage systématique, contribuant ainsi à leur marginalisation en les traitant comme une population différente et suspecte, et à la violation de leurs droits fondamentaux.
Imaginez : vous devez toujours avoir sur vous un document qui vous identifie, décrit votre apparence physique et retrace vos déplacements. Sans carnet, vous risquez de vous voir refuser l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux aides publiques. Pire encore, il peut être utilisé pour vous discriminer et vous empêcher de vivre librement. Et ça a duré plus de 50 ans.
Il a été aboli en 1969 et remplacé par le livret de circulation, un document moins contraignant mais qui continue à identifier et à surveiller les Gens du Voyage.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les gens du voyage ont été victimes d’une politique d’internement et de persécution comparable à celle subie par les juifs et d’autres groupes minoritaires : homosexuels, communistes, handicapés mentaux… En France, plus de 6 000 personnes ont été internées car « nomades ». Ils étaient considérés comme « asociaux » et « indésirables » par les autorités françaises, et ont été persécutés en raison de leur mode de vie.
Dès 1940, le gouvernement de Vichy a mis en place des mesures discriminatoires à leur encontre. Ils ont été assignés à résidence et privés de leurs droits civiques.
En 1940 – 41, des camps d’internement ont été créés pour les nomades. Les conditions de vie dans ces camps étaient terribles : manque de nourriture, d’eau potable et de soins médicaux, promiscuité, violence et humiliation. En Loire-Atlantique, il y a eu deux camps d’internement : le camp de La Forge à Moisdon-la-Rivière où l’association a fait poser une stèle du souvenir et celui de Choisel à Châteaubriant.
Des milliers de gens du voyage, hommes, femmes et enfants, ont été internés dans ces camps. Parmi eux, beaucoup sont morts de faim, de maladie ou de travail forcé.
Après la Libération en 1945, les nomades demeurent dans les camps. Ils ne recouvrent leur liberté qu’en mai 1946. Malgré leur citoyenneté française, ces familles restent soumises au régime des nomades, bénéficiant d’une citoyenneté de second plan.
Les voyageurs ont vu leur liberté d’aller et venir restreinte à maintes reprises par l’État français.
En 1912 avec le carnet anthropométrique et à partir de 1969 par les livrets et carnet de circulation qui l’ont remplacé. Soit disant moins intrusif et plus respectueux des droits des gens du voyage, ils restaient un outil de contrôle et de fichage des voyageurs. Le nouveau livret devait être présenté à tout moment aux forces de l’ordre et contenait des informations sur l’identité des individus, les membres de leur famille, leurs déplacements et même leurs condamnations pénales.
En 2012: le Conseil constitutionnel déclare le carnet de circulation contraire à la Constitution car il portait « une atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’aller et de venir » et « restreignait de manière injustifiée l’exercice des droits civiques », reconnaissant enfin la violation des droits fondamentaux des Gens du Voyage.
En 2017: La loi Égalité et Citoyenneté abroge la loi de 1969 et met fin aux carnets et livrets de circulation, une victoire symbolique et concrète pour la liberté et l’égalité des Gens du Voyage.
« Ici, sur cet endroit même, se tenait le plus grand camp d’internement de nomades de France. Entre 1940 et 1946, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants ont été internés ici, simplement parce qu’ils vivaient différemment, parce qu’ils étaient des nomades, des Tsiganes, des gens du voyage, des Français.
Pendant trop longtemps, ce drame a été ignoré, oublié, refoulé. Aujourd’hui, la France se souvient.
La République reconnaît sa responsabilité dans ce drame. La République reconnaît la souffrance des victimes. La République reconnaît la dignité des nomades. Les nomades n’ont jamais oublié cette blessure. Pendant 70 ans, ils ont porté cette souffrance en silence. Aujourd’hui, le temps est venu d’écouter leur récit. Le temps est venu d’entendre leur appel. Le temps est venu de répondre à leur cri.
Pour que l’histoire soit connue. Pour que l’histoire soit reconnue. Pour que l’histoire soit réparée. »
Discours de François Hollande à Montreuil-Bellay, le 29 octobre 2016
En 2004, l’ADGVC44 a porté le projet de mémoire d’Emilie Jouand sur l’internement des gens du voyage dans le camp de la Forge et Choisel au cours de la seconde guerre mondiale. Cet ouvrage remarquable a clairement motivé notre association à pousser les portes de l’histoire à ses côtés pour favoriser une meilleure connaissance de l’histoire Tzigane en France. Ce fut l’occasion de développer un pôle Mémoire pour approfondir / valoriser / partager ses connaissances avec les voyageurs mais aussi auprès de l’ensemble des citoyens français.
Grâce aux travaux de recherche d’Emilie Jouand, l’ADVGC44 a pu contribuer à transmettre cette connaissance historique aux voyageurs en premier lieu. Il a été possible de retracer des parcours familiaux et retrouver les ancêtres disparus qui ont un jour été enfermés dans ce camp du fait de leur différence.
Il ne s’agit pas uniquement de rendre visible ces faits historiques mais de rendre la mémoire vivante et accessible à tous car cette partie d’histoire est à ce jour encore trop peu connue.
En 2008, l’ADGVC44 a fait poser une stèle commémorative pour honorer la mémoire des nomades internés sur le site de la Forge – maintenant utilisé comme salle des fêtes – et initié un projet d’exposition retraçant l’histoire de cet internement dont les panneaux ont été créé avec 180 élèves du Lycée professionnel St Jean Baptiste de la Salle.
Nous ne souhaitons pas uniquement faire mémoire mais continuer l’histoire. Il est plus simple de se projeter dans l’avenir quand on connait son passé. L’histoire du peuple Tzigane ne doit pas se faire seule mais ensemble dans une France qui partage ses valeurs communes : liberté, égalité et fraternité.
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